17/07/2007

Le « Bouillon de culture » de Zizou

Si l'émission « Bouillon de culture » ne s'était pas arrêtée en 2001, Bernard Pivot, grand amateur de football, aurait certainement invité Zinédine Zidane pour la sortie du film « Zidane, un portrait du XXIème siècle » dont il est l'acteur principal. Voici, à quelques choses près, ce qu'auraient pu donner les réponses de notre Zizou national au célèbre questionnaire de fin d'émission.

Bernard Pivot : Votre mot préféré ?
Zizou : Plaisir. C'est pour éprouver et partager le plus souvent possible ce sentiment avec les autres que j'ai commencé à jouer au foot quand j'étais minot. Dans le quartier de la Castellane, nous étions une dizaine de potes. On s'entraînait à faire le geste qui sortait de l'ordinaire, celui qu'on montrerait aux autres quand il serait parfait. C'est là que j'ai appris l'essentiel de ce que j'ai fait durant ma carrière.
C'est également ce mot simple, poussé à son extrême limite, qui résume le mieux ce que j'ai ressenti comme beaucoup de français, le 12 juillet 98 lorsque j'ai soulevé la Coupe du monde après avoir inscrit mes deux buts de la tête contre le Brésil.
Maintenant que j'ai arrêté ma carrière, mon plaisir sera de prendre soin de ceux que j'aime. Je suis heureux d'être maintenant entièrement disponible pour les membres de ma famille, et plus particulièrement pour ma femme Véronique et mes quatre garçons Enzo, Luca, Théo et Elyaz.

Bernard Pivot : Le mot que vous détestez ?
Zizou : Celui qu'a prononcé Marco Materrazi à l’encontre de ma sœur et de ma mère lors de la finale de la coupe du monde 2006. Je regrette sincèrement d'avoir répondu comme je l'ai fait à la provocation stupide de ce joueur. Par ce geste, j'ai conscience d'avoir bêtement gâché mon rêve de finir ma carrière en brandissant la Coupe du monde. Même si rien ne dit qu'avec ma présence sur le terrain, nous aurions gagné la séance de tirs aux buts. Mais ce que je regrette le plus, c'est d'avoir abandonné mes coéquipiers en rompant le pacte « on vit ensemble, on meurt ensemble » que nous avions passés ensemble pour être au rendez-vous de ce 9 juillet. Mon dernier match... Contre l'Italie en finale de la Coupe du monde, ce pays qui m'a tant appris... Dieu est parfois un très bon scénariste, non ? Comme lors de mes adieux à Bernabeu, j'avais tenu à ce que toute ma famille soit dans les tribunes du stade. J'étais vraiment très ému d'avoir tous ceux que j'aime près de moi pour ce moment très important de ma vie. C'est sans doute pour ça que j'ai si mal réagi aux provocations de Materrazi. J'espère de tout coeur, même si j'en doute un peu, que les gens et surtout les jeunes, finiront par oublier ce malheureux coup de tête...(regard triste)

Bernard Pivot : Votre drogue favorite ?
Zizou : La victoire. Elle procure parfois des montées d'adrénaline impressionnantes et on en devient assez rapidement accro. C'est en partant à l'étranger comme beaucoup de joueurs français, d'abord à la Juve puis au Real, que j'ai vraiment pris conscience de l'importance de la gagne et de la somme de travail nécessaire à accomplir pour atteindre cet objectif de manière récurrente. Après des débuts difficiles en Italie, suite à une préparation physique très lourde dont je n'avais pas l'habitude, j'ai eu le déclic lors d'un match de championnat contre l'Inter de Milan au cours duquel j'ai inscrit deux buts. Après ce match, tout s'est enchaîné et plutôt relativement bien passé pour moi.(sourire)
Bernard Pivot : Votre modestie légendaire dut-elle en souffrir, je tiens à rappeler, à notre auditoire, votre extraordinaire palmarès. Que ce soit en Bleus, avec la Coupe du monde 98 et le championnat d’Europe des nations 2000 ou bien en club avec la Ligue des Champions en 2002, deux scudetti (en 1997 et 1998) et deux championnats d'Espagne (en 2003 et 2007). Vous avez également été, à titre individuel, désigné Ballon d'or en 1998, Meilleur joueur de l'année FIFA en 1998, 2000, 2002, 2003 et enfin pour terminer votre carrière vous avez conclu avec le titre de meilleur joueur de la Coupe du monde 2006. (Applaudissements nourris du public)

Bernard Pivot : le son, le bruit que vous aimez ?
Zizou : Le bruit sourd du ballon lors d'un contrôle amorti ou d'une roulette emmenée de la semelle.
Bernard Pivot : A ce sujet, au nom de tous les amateurs de beau jeu, dont je fais parti, je tiens à vous remercier pour tout le bonheur que vous nous avez donné avec ces contrôles, roulettes, passements de jambe, et autres coups de pied arrêtés magiques dont vous nous avez gratifié tout au long des dix-huit années de votre carrière.
Zizou: Merci ...(sourire gêné)

Bernard Pivot : Votre juron, gros mot ou blasphème favori ?
Zizou : Pu'taing. A Marseille, dans les quartiers Nord où j'ai grandi, on utilise ce mot comme une virgule orale dans les phrases. J'essaie néanmoins de ne pas trop employer cette ponctuation devant mes quatre enfants. (sourire)
Bernard Pivot : En tant que marseillais, regrettez vous de n'avoir jamais porté le maillot de l'OM ?
Zizou : L'OM est, et restera toujours, un club très cher à mes yeux. Minot, j'allais souvent au Stade Vélodrome pour voir évoluer mon idole : Enzo Francescoli. A cette époque on m'appelait encore Yazid ou Yaz. En 1982, j'ai joué mes premiers matchs officiels avec le club de quartier de l'US Saint-Henri puis de de 1983 à 1987 j'ai ensuite joué au SO Septèmes-les-Vallons. Le premier tournant de ma vie a eu lieu à l'âge de quatorze ans quand en décembre 1986, j'ai été appelé pour un stage de trois jours au CREPS d'Aix-en-Provence, avec les meilleurs cadets de la Ligue Méditerranée. J'ai été remarqué par un recruteur cannois, Jean Varraud. Contrairement au recruteur de l'OM, lui, a cru en moi en me faisant venir dès 1987, à l'AS Cannes. Là bas, j'ai commencé ma formation sous la houlette d'abord de Gilles Rampillon puis de Jean Fernandez et Guy Lacombe. Quitter Marseille et ma famille à 14 ans a vraiment été une période très difficile de ma vie. Ma volonté de réussir s'est sans doute forgée à ce moment là. Je ne voulais pas que ce sacrifice ne serve à rien. J'avais vraiment à coeur de montrer à mon père que je pouvais réussir dans le truc que j'avais choisi qui n'était pas les études comme il l'espérait.

Bernard Pivot : Homme ou femme pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Zizou : L'Abbé Pierre. Comme beaucoup de personnes, je suis triste de la disparition de cet homme. Ce que je retiendrai de lui, c'est tout ce qu'il a fait pour les autres, pour les plus démunis. Il a vécu pour les autres, il n'a fait que cela. J'ai eu l'occasion de le rencontrer et c'était très impressionnant d'avoir en face de soi quelqu'un de si déterminé. Cela se sentait dans chacune de ses paroles. C'est quelqu'un de grand qui s'en est allé.
Depuis 2001, j'essaye moi aussi d'apporter modestement ma contribution dans la lutte contre la pauvreté en tant qu'ambassadeur de bonne volonté du programme des Nations unies pour le développement. Avec Ronaldo, on organise chaque année depuis 2003 le Match contre la Pauvreté, un match de football qui réunit les plus grands noms du football dont les fonds récoltés servent à financer des projets de lutte contre la pauvreté à travers le monde.

Bernard Pivot : La plante, l’arbre ou l’animal dans lequel vous aimeriez être réincarné ?
Zidane : Une plante à partir de laquelle on ferait un médicament pour soigner les leucodystrophies. Depuis 1992, je suis parrain de ELA l’Association européenne contre cette maladie. Avec la Danone Cup, la dictée ELA dans les écoles ou lors d'émissions de télévision, j'essaye de profiter de ma notoriété pour inciter les gens à donner de l'argent à cette association. Les leucodystrophies sont des maladies génétiques très graves qui touchent chaque semaine en France, 3 à 6 enfants (20 à 40 en Europe). Cette maladie, quand elle se déclare, détruit la gaine des nerfs (la myéline) de leur système nerveux central (cerveau et moelle épinière). Lorsque cette gaine est abîmée, le courant ne passe plus et les messages nerveux sont interrompus. Cela engendre pour ces enfants des pertes de mouvements et de l’équilibre, des pertes de la vision et de l’ouïe, ainsi que des pertes de la parole et de la mémoire : les leucodystrophies paralysent donc petit à petit toutes les fonctions vitales . Si vous souhaitez faire un don, vous pouvez envoyer vos chèques à ELA, 53 cours Léopold - B.P. 20267 - 54005 NANCY CEDEX ou bien aller sur le site www.ela-asso.com

Bernard Pivot : Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?
Zizou : Je ne sais pas vraiment...
(il réfléchit)
Bernard Pivot : Gardien de but de l'équipe adverse quand vous étiez dans un bon jour, peut-être ? (sourire)
Zizou : oui peut-être...(rire gêné) c'est vrai que je n'aurai pas trop aimé être à la place de Taffarel le gardien brésilien lors de la finale de la coupe du monde 98 ou du gardien de Lerverkusen lors de la finale de la Ligue des champions en 2002 (éclat de rire).
Bernard Pivot : sans oublier le gardien anglais David James en match de poule à l'Euro 2004 à qui vous avez marqué deux buts en toute fin de match alors que vous étiez menés 1 à 0. J'ai également une petite pensée émue pour celui du Betis Séville qui en quart de finale de la Coupe UEFA 96 a été le témoin impuissant de l'un de vos plus beaux buts : une reprise de volée du pied gauche lobée de près de 40 mètres !

Bernard Pivot : Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous, après votre mort, l’entendre vous dire ?
Zizou : Comme tes parents qui t'attendent là bas, je suis fier du joueur, de l'homme et du père que tu as été. Je suis d'ailleurs, moi aussi, très fier de mon père Smaïl et de ma mère Malika. Notamment de l'éducation qu'il ont su me donner ainsi qu'à mes frères Farid, Nordine, Djamel et à ma soeur Lila. Malgré des fins de mois parfois difficiles, ils nous ont transmis des valeurs très importantes, dont celle du respect à avoir envers soi et les autres. En parlant de respect, je veux préciser une bonne fois pour toutes que contrairement à ce qu'a affirmé Mr Gollnisch du Front National mon père n’est pas un harki. Je n’ai rien contre les harkis, mais simplement mon père n’en était pas un. Mon père est un Algérien, fier de l’être qui n’a pas combattu contre son pays. En ce qui me concerne, je suis fier d'être à la fois français, algérien et citoyen du monde. Et même si je prends comme un honneur le fait d'être encore aujourd'hui la personnalité préférée des français, ça me dérange parfois un peu, qu'on me prenne pour un héros comme lors de mon voyage avec ma famille en Algérie au mois de décembre dernier par exemple. Pour moi, les vrais héros sont ceux qui sauvent des vies.

Bernard Pivot : Merci pour tout Zizou.

Zizou : Merci à vous. (Il se lève pour serrer la main de Bernard Pivot sous une ovation debout du public le remerciant pour 18 ans de «Plaisir» et, qu'il le veuille ou non, d'avoir été son héros un certain soir de juillet 98 !)

3ème mi-temps

"Zimdime Zimdane" vu par son pote Jamel


En 98, la victoire était bien en lui !


Merci Zizou pour tout ce bonheur !!!

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Comme d'hab', du tout bon.

Sauf que j'ai beaucoup de mal à lire des trucs sur Zidane sans repenser à son coup de tête "pas dans le ballon"...

Mais tu n'y es pour rien, rassure-toi !

Anonyme a dit…

superbe article , toujours très documenté , pertinent et plein d'humour
mais je suis la deuxième à ne pas avoir oublié "le coup de boule" qui a terni l'image du " si bon Zizou" et en a donné un coup à son QI ...!

Anonyme a dit…

Bel hommage

Anonyme a dit…

Article très intéressant.
Pour moi l'image que je retiens de Zidane c'est après son coup de boule son interview à canal plus et cette chemise posée sur les épaules: dis donc c'etait quoi ce style !!!

Anonyme a dit…

Merci, c'est bien sympa de revoir le dieu zizou !

Anonyme a dit…

Bernard Pivot il connait mieux le foot,que tous ces journaleux sportifs !