Monsieur le président, messieurs les jurés si nous sommes présents devant ce tribunal aujourd'hui c'est pour juger l'acte qu'a commis mon client Mr Thierry Henry lors du match qualificatif pour la phase finale de la Coupe du monde de la FIFA de barrage retour entre la France et l'Eire disputé le mercredi 18 novembre 2009 au Stade de France à St Denis. Avant de revenir sur ce geste malheureux il convient de se pencher un peu plus sur la personnalité et l'histoire personnelle de mon client. Mais qui est vraiment Thierry Henry ? Je vous le demande !
Au delà de son énorme palmarès en équipe de France, tout le monde ici présent, a j'espère en mémoire ses nombreuses réalisations lors des éditions 1998 et 2006 de la Coupe du monde ainsi que lors du fabuleux Euro 2000; Thierry Henry est avant tout un français d'origine modeste issu des Antilles né le 17 août 1977 aux Ulis en banlieue parisienne. Passionné de football dès son plus jeune age, il a accompli le rêve de beaucoup d'entre nous en devenant à force de talent, de courage, de travail et de volonté l'un des meilleurs attaquants de sa génération et accessoirement le détenteur du record du nombre de buts inscrits sous le maillot frappé du coq.
Le jeune « Titi », comme on le surnomme très vite, a débuté le football à 6 ans avec le club local de la ville de son enfance, le CO les Ulis. Il rejoint ensuite l'US Palaiseau à 12 ans, puis le club de Viry-Châtillon un an plus tard. C'est durant un match avec ce club qu'il va taper dans l'œil d'un recruteur de l'AS Monaco. En effet, Viry-Châtillon gagne le match 6-0 avec six buts marqués par le même joueur : Thierry Henry. Aussitôt, le recruteur Arnold Catalano vante les mérites de l'adolescent prometteur, notamment auprès d'Arsène Wenger et lui permet de rejoindre, en 1991, le prestigieux centre de formation de l'INF Clairefontaine où il fera ses classes pendant un an aux côtés de ses « complices » William Gallas et Nicolas Anelka. C'est durant cette période qu'il fera la rencontre, certainement la plus importante de sa carrière, celle d'Arsène Wenger, alors entraîneur de l'AS Monaco. En effet c'est cet entraîneur qui va déceler tout son potentiel et faire de lui un footballeur pro en le titularisant à la pointe de l'attaque monégasque puis en le faisant venir à Arsenal. C'est ce passage en Angleterre qui a fait de lui la star mondiale, l'attaquant du FC Barcelone et le capitaine de l'équipe de France qu'il est devenu aujourd'hui.
Alors oui on peut discuter du devoir d'exemplarité d'un tel joueur et de l'intentionnalité du geste de mon client. Mais non on ne peut pas l'accuser d'être un « serial cheater » comme j'ai pu le lire récemment dans la presse irlandaise, ça non ! Sa passion pour son sport et son comportement exemplaire en matière de Fair Play tout au long de sa carrière que ce soit en club ou en sélection en témoigne largement. Par ailleurs il faut reconnaître que ce malheureux double contact réflexe de la main ayant échappé à la vigilance du corps arbitral a au moins une vertu : celle de mettre en lumière de façon évidente l'incurie des instances footballistiques internationales à remédier aux problèmes de l'arbitrage posés par le football moderne. En effet si un arbitre de surface avait été présent derrière le but (comme c'est actuellement le cas en Europa League où ce système est actuellement en cours de test) ou si l'arbitre avait, après le but, interrompu dix secondes la partie (le temps que les français se congratulent) pour simplement consulter le 4ème arbitre disposant de la vidéo et du ralenti (comme lors de l'expulsion de Zidane en finale de la coupe du monde 2006...) nous ne serions certainement pas là en train de faire le procès de mon client. Mais peut-être plutôt celui beaucoup plus légitime du sélectionneur français Raymond Domenech qui sans le « coup de main » du destin et de mon client devrait aujourd'hui répondre devant vous d'une piteuse élimination.
Il est par ailleurs également à porter au crédit de mon client que ce dernier a immédiatement après la rencontre reconnu son geste, présenté ses excuses et même donné son accord pour rejouer le match. Le véritable tsunami médiatico-footballistico-politique international qui s'est alors déchaîné contre lui a profondément ébranlé cet homme si soucieux de la trace qu'il laissera dans l'histoire de son sport. Au delà de la frustration excessive mais largement compréhensible des irlandais, ce qui a le plus blessé mon client c'est l'opprobre jeté sur lui par un grand nombre de ses compatriotes (dont beaucoup d'illustres anciens joueurs) avec une virulence extrême en se plaçant sur le terrain des valeurs morales oubliant sans doute un peu vite que s'il s'était immédiatement dénoncé à l'arbitre ce sont alors ses coéquipiers, ses frères... dont il était je le rappelle ce soir là le Capitaine, et toute une partie des français qui auraient alors crié à la trahison lui reprochant de n'avoir pensé qu'à lui et à son image et non pas à l'intérêt supérieur du football français. L'intensité du déchainement contre mon client, a été jusqu'à lui faire se poser quelques secondes la question de l'arrêt définitif de sa carrière internationale. Ce sont les soutiens de ses proches et sa volonté de ne « pas lâcher son pays » qui lui ont fait renoncer à ce triste dessein. Oui, ils sont nombreux ceux qui aujourd'hui jouent les vertueux et condamnent sans ménagement mon client pour son réflexe malheureux mais n'oublions pas que ce seront sans doute les mêmes qui se précipiteront sur les Champs Elysée pour lui ériger une statue s'il marque le but victorieux en finale de la prochaine Coupe du monde. C'est pourquoi, je demande monsieur le président, la relaxe pure et simple de mon client ainsi que l'abandon de tous les chefs d'inculpation qui pèsent sur lui.
Pour en finir avec ma plaidoirie, j'aimerai inciter tous les jurés supporters de l'équipe de France à garder espoir et de ne pas oublier que le climat de désamour qui règne autour des Bleus sera peut-être au final salutaire. En effet, si on se replace dans les contextes historiques des trois précédentes éditions de la Coupe du monde disputées par les Bleus, on remarque qu'il vaut mieux, pour la longévité du parcours de la sélection nationale en phase finale, que l'équipe soit largement décriée et critiquée (comme en 1998 et 2006) plutôt qu'adulée et encensée (comme en 2002). C'est pourquoi compte tenu du niveau de sa côte de popularité actuelle dans les médias et l'opinion publique, on peut légitimement envisager pour l'équipe de France de Raymond Domenech une Coupe du monde sud africaine véritablement exceptionnelle...
L'objet du délit
Les tricheurs jetés aux lions...
Best of Titi